FLG: Presque Lui...
Presque lui…
Si vous aimez les constructions narratives tarabiscotées et éclatées à la Tarantino (en particulier " Pulp Fiction "); l'humour anglo-saxon; les références au roman noir; les pastiches humoristico-policiers; la littérature américaine; le non-sens; les devinettes; les expériences d'écriture automatique; les Rubik's cubes; les voies sans issue; les jeux sur les mots; les fausses pistes; les chausse-trapes; les pièces de Ionesco; les inventaires à la Prévert… alors vous adorerez " Presque Moi " de Frank Le Gall qui est une manière de panaché d'un peu tout ça. Mais pas que.
Composé de courts textes, contes, poèmes, essais et nouvelles qui s'emboîtent les uns dans les autres comme les pièces d'un étrange puzzle, ce livre-gigogne, selon une stratégie qui rappelle celle employée pour les " Petits Contes noirs ", dévoile petit à petit différentes " strates ".
Vous croyez avoir à faire à une nouvelle mélodramatique, une tragédie brève et cruelle sur la condition humaine dans la veine d'un Steinbeck, d'un Dos Passos? Elle s'achève en pirouette.
Vous avez l'impression de parcourir un exercice d'écriture automatique, une modulation façon " mise en abîme ", dans le registre des expériences de l'OuLiPo? Il tourne à la leçon philosophique.
Vous entamez une nouvelle policière dans l'ombre inquiétante de Scotland Yard? Elle se transforme en farce grinçante et gore.
Vous pensez que tout ça n'a rien à voir ensemble? Certaines histoires en apparence aux antipodes les unes des autres se télescopent au moment le plus inattendu.
De quoi ça parle? Ça parle de Pauvre Georges, souvent. Ça parle de guitares fatales, d'éventreurs britanniques, de poésie, de routes américaines poussiéreuses, de filles de joie, de kilomètres, de théâtre, de Blanche-Neige, d'inspecteurs de Scotland Yard sur les dents, d'oignons frits, d'aventuriers en short, de gratte-ciels, de Boucle d'Or, des colons des Blackhills, de jeunes filles au bord de la crise de nerfs, de Mexicains, du lac d'Annecy, et bien d'autres sujets incongrus, poétiques, déconcertants et indispensables.
Selon Isaac Asimov, grand amateur de non-sens et d'absurde lui-même, l'élément le plus essentiel de l'humour est un changement abrupt de point de vue, de manière à basculer soudainement d'un sujet important vers quelque chose de trivial, ou du sublime vers le ridicule. A ce titre Frank Le Gall se révèle un élève doué qui se joue de cette discipline délicate et millimétrée avec un rare brio.
Tour à tour torero s'escamotant derrière un mouvement de cape, virtuose stylistique, fabuliste moderne ou montreur de foire, Le Gall traite ses monstres et ses jeunes filles en détresse avec la même tendresse, la même férocité, et la même lucidité cruelle. Il démonte leur fonctionnement et leur motivation avec une sagacité bien souvent retorse, semblant par-dessus tout savourer le contrôle qu'il exerce sur le lecteur tour à tour fasciné, compatissant, surpris, amusé et perplexe.
En ce sens, il a aussi sans doute plus de points communs qu'on ne l'imaginerait tout d'abord avec les méthodes de travail d'un Pratt ou d'un Jodorowsky, lesquels se sont également aventurés en littérature en parallèle avec leur trajectoire dans la bande dessinée, et ont toujours adoré, l'un et l'autre, maîtriser le jeu en prestidigitateurs consommés, et cacher sciemment certaines cartes qu'ils ne dévoilent à leurs lecteurs éberlués qu'au moment qui leur chante, pour soudain dénouer une intrigue savamment truquée, par un coup de théâtre magistral qu'ils sont les seuls à voir venir.
Verra-t-on un jour Frank Le Gall s'improviser dramaturge, réalisateur, vidéaste? Tout est imaginable avec cet artiste touche-à-tout, qu'aucun domaine créatif ne semble intimider.
Après son incursion dans le monde de la littérature, une conclusion s'impose: si vous pensiez naïvement avoir fait le tour de cet auteur complet aux facettes multiples, vous en saurez à coup sûr beaucoup moins sur Frank Le Gall après avoir lu ce livre, qu'avant.
© myriad
Si vous aimez les constructions narratives tarabiscotées et éclatées à la Tarantino (en particulier " Pulp Fiction "); l'humour anglo-saxon; les références au roman noir; les pastiches humoristico-policiers; la littérature américaine; le non-sens; les devinettes; les expériences d'écriture automatique; les Rubik's cubes; les voies sans issue; les jeux sur les mots; les fausses pistes; les chausse-trapes; les pièces de Ionesco; les inventaires à la Prévert… alors vous adorerez " Presque Moi " de Frank Le Gall qui est une manière de panaché d'un peu tout ça. Mais pas que.
Composé de courts textes, contes, poèmes, essais et nouvelles qui s'emboîtent les uns dans les autres comme les pièces d'un étrange puzzle, ce livre-gigogne, selon une stratégie qui rappelle celle employée pour les " Petits Contes noirs ", dévoile petit à petit différentes " strates ".
Vous croyez avoir à faire à une nouvelle mélodramatique, une tragédie brève et cruelle sur la condition humaine dans la veine d'un Steinbeck, d'un Dos Passos? Elle s'achève en pirouette.
Vous avez l'impression de parcourir un exercice d'écriture automatique, une modulation façon " mise en abîme ", dans le registre des expériences de l'OuLiPo? Il tourne à la leçon philosophique.
Vous entamez une nouvelle policière dans l'ombre inquiétante de Scotland Yard? Elle se transforme en farce grinçante et gore.
Vous pensez que tout ça n'a rien à voir ensemble? Certaines histoires en apparence aux antipodes les unes des autres se télescopent au moment le plus inattendu.
De quoi ça parle? Ça parle de Pauvre Georges, souvent. Ça parle de guitares fatales, d'éventreurs britanniques, de poésie, de routes américaines poussiéreuses, de filles de joie, de kilomètres, de théâtre, de Blanche-Neige, d'inspecteurs de Scotland Yard sur les dents, d'oignons frits, d'aventuriers en short, de gratte-ciels, de Boucle d'Or, des colons des Blackhills, de jeunes filles au bord de la crise de nerfs, de Mexicains, du lac d'Annecy, et bien d'autres sujets incongrus, poétiques, déconcertants et indispensables.
Selon Isaac Asimov, grand amateur de non-sens et d'absurde lui-même, l'élément le plus essentiel de l'humour est un changement abrupt de point de vue, de manière à basculer soudainement d'un sujet important vers quelque chose de trivial, ou du sublime vers le ridicule. A ce titre Frank Le Gall se révèle un élève doué qui se joue de cette discipline délicate et millimétrée avec un rare brio.
Tour à tour torero s'escamotant derrière un mouvement de cape, virtuose stylistique, fabuliste moderne ou montreur de foire, Le Gall traite ses monstres et ses jeunes filles en détresse avec la même tendresse, la même férocité, et la même lucidité cruelle. Il démonte leur fonctionnement et leur motivation avec une sagacité bien souvent retorse, semblant par-dessus tout savourer le contrôle qu'il exerce sur le lecteur tour à tour fasciné, compatissant, surpris, amusé et perplexe.
En ce sens, il a aussi sans doute plus de points communs qu'on ne l'imaginerait tout d'abord avec les méthodes de travail d'un Pratt ou d'un Jodorowsky, lesquels se sont également aventurés en littérature en parallèle avec leur trajectoire dans la bande dessinée, et ont toujours adoré, l'un et l'autre, maîtriser le jeu en prestidigitateurs consommés, et cacher sciemment certaines cartes qu'ils ne dévoilent à leurs lecteurs éberlués qu'au moment qui leur chante, pour soudain dénouer une intrigue savamment truquée, par un coup de théâtre magistral qu'ils sont les seuls à voir venir.
Verra-t-on un jour Frank Le Gall s'improviser dramaturge, réalisateur, vidéaste? Tout est imaginable avec cet artiste touche-à-tout, qu'aucun domaine créatif ne semble intimider.
Après son incursion dans le monde de la littérature, une conclusion s'impose: si vous pensiez naïvement avoir fait le tour de cet auteur complet aux facettes multiples, vous en saurez à coup sûr beaucoup moins sur Frank Le Gall après avoir lu ce livre, qu'avant.
© myriad